LARRESSINGLE

D'après la légende, ce village fortifié du XIIIe siècle tirerait son nom de l'époque gallo-romaine. Une légion romaine trouvant résistance face à la population locale aurait eu pour ordre de leur lieutenant «RETRO SINGULI» en arrière un par un. Une autre étymologie puiserait ses racines du latin « Cingulum », enceinte de donjon féodal et de la syllabe « re », réfection, reconstruction pour devenir aujourd'hui Larressingle.

Larressingle entre dans l'histoire au début du XIe siècle. L'abbé Hugues de Gascogne, fondateur de l'abbaye de Condom, est héritier de son père Gombaud, duc de Gascogne et évêque de Gascogne, descendant des Ducs de Gascogne. Devenu évêque d'Agen et de Bazas, il laisse sa charge abbatiale de Condom et fait don à son successeur de ses terres de Larressingle et de l'église Saint-Sigismond. La possession de l'église et de la villa est confirmée en 1163 et 1245 par les bulles des papes Alexandre III et Innocent IV. C'est ainsi que les abbés puis les évêques de Condom sont devenus les seigneurs des lieux. Au XIIe siècle, on remplace l'église primitive par une église à l'ouvrage défensif. Au XIIIe siècle, la couronne de France et d'Angleterre se disputent l'Aquitaine. On voit alors dans notre région, les bourgs se fortifier (Sauvetés, Bastides). Ce sont les abbés de Condom qui font réaliser cette forteresse. Le cartulaire attribue la fin de la construction des tours à l'avant-dernier abbé de Condom, Arnaud Othon de Lomagne, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, qui a aussi construit une partie du château de Cassaigne.

Le 20 juin 1285, son successeur, Auger d'Anduran, abbé de Condom entre 1285 et 1305, conclut un acte de paréage et le roi d'Angleterre, Edouard Ier dans lequel il est traité du castrum de Retrosingula. L'abbé fit exaucer les tours de l'enceinte. La construction du château avait probablement comme but de protéger Condom des agressions pouvant venir de l'ouest, mais il pouvait aussi servir aux abbés à se protéger des habitants de Condom qui étaient souvent en opposition avec eux pour leurs droits. Dans cet acte de paréage, l'abbé fait participer le roi d'Angleterre pour rendre la justice dans la ville de Condom, le château de Larressingle et leurs dépendances. Le roi fait de même avec l'abbé pour le château de Goalard et ses dépendances. Deux baillis, l'un nommé par le roi, l'autre par l'abbé, sont chargés de rendre la justice dans l'ensemble de ce bailliage. L'abbé partage avec le roi le droit de créer des consuls, jurats et notaires, et de recevoir de nouveaux habitants à Condom et à Larressingle. Le roi s'engage à protéger l'abbé de toute rebellion des habitants de Condom. La garnison de Larressingle a dû être fournie par le roi d'Angleterre à partir de cette date. Cet acte de paréage n'a pas mis fin aux oppositions entre les abbés, puis les évêques qui leur succèdent, avec les consuls.

Larressingle a pu avoir un bailli spécial, comme en 1324, Arnaud de Floris qui est bailli de Larressingle.

Le château de Larressingle ne semble pas avoir joué de rôle militaire pendant la Guerre de Cent Ans. Le compte consulaire de Montréal signale pour l'année 1412, en juin, le passage de la compagnie de routiers du capitaine "Nicolo lo Basquo", avant de camper devant Montréal.

À partir de 1587, la ville de Condom va entretenir une petite garnison de trois hommes à Larressingle. Le village ne sera jamais attaqué jusqu'en 1589. La petite garnison n'a pas pu empêcher les Ligueurs de s'emparer de Larressingle par surprise, puis Antoine Arnaud de Pardaillan de Gondrin, seigneur de Montespan, s'en rend maître. Le ligueurs vont utiliser Larressingle comme base afin de réaliser leurs razzias et méfaits et ce, jusqu'en 1596. Les consuls de Condom et le sénéchal d'Agenais ne purent arriver à les déloger. Ls consuls, en juin 1590, de discuter avec le sieur de Montespan pour lui faire quitter la place. Il accepta pour 2000 écus. Le maréchal de Matignon accepta cet accord et envoya des commissaires pour faire démanteler Larressingle, Vic et Nogaro. Mais Montespan changea d'avis. En juillet 1590, il demanda 2000 écus supplémentaires à payer par le pays d'Armagnac, ce que refusa le maréchal de Matignon. Montespan demanda ensuite 3000 écus pour ne pas inquiéter les habitants de Condom et de la juridiction, et s'engageait à démanteler Larressingle après le démantellement de Vic et Nogaro, puis finalement il refusa de discuter de la reddition de Larressingle, en s'engageant de procurer "le soulagement du peuble, du laboureur et de son bestailh", en décembre 1590.
Le 3 mars 1591, le marquis de Villars qui commande les ligueurs du pays signe un traité "pour la liberté du laboureur, son bestail, et pour toutz ceulx qui de portent point les armes que pour la deffence des villes et maisons d'où ilz sont domiciliés". Le maréchal de Matignon refusa cet accord qui ne concernait que le Condomois et l'Armagnac.

En 1594, Montespan est encore à Larressingle, Valence et Mirande. Mais en juillet 1594, il fait savoir qu'il voulait "se rendre serviteur de Sa Majesté". Finalement Montespan n'évacua Larressingle qu'en 1596. Il fait la même année sa soumission au roi Henri IV. Le 12 mai 1597, Montespan prêtait serment aux consuls de Condom en sa qualité de sénéchal d'Agenais. Larressingle n'a plus joué de rôle militaire, même pendant la Fronde.

Dès le XVIIe siècle, le château est délaissé par les évêques au profit de celui de Cassaigne plus moderne. Et c'est à la fin du XVIIIe siècle que Mgr d'Anterroches, dernier évêque de Condom, fait démonter la toiture et transporter les bois de charpente à Cassaigne. Vendu comme bien national, il est dépecé et vidé. C'est alors que le village lui-même tombe dans l'oubli. Petit et peu commode, on habite plus facilement à l'extérieur. Au début du XXe siècle, la forteresse est vouée à disparaître. Seules 3 maisons sont habitées, les autres transformées en grange ou abandonnées, perdent toitures et pierres. Le village doit sa restauration à l'initiative du duc de Trévise qui fonde un comité de sauvegarde auprès de financiers de Boston qui alimenteront les caisses jusqu'en 1938.

Ce délicieux village, un des joyaux de la Gascogne, est ceint d'un rempart* polygonal de 270 m de tour presque intact sauf à l'Est.L'enceinte s'ouvre à l'Ouest par une haute porte fortifiée à brêtèche Le pont-levis qui le précédait est aujourd'hui remplacé par un pont fixe encadré de deux piliers étroits Les murs parfois encore entourés de courtines et de créneaux sont renforcés par des tours carrées.

Le château-donjon

Sa masse trapézoïdale à quatre niveaux, flanquée d'une tourelle hexagonale, est percée de fenêtres géminées ou à meneaux; l'intérieur, ruiné, laisse voir en surplomb quelques cheminées monumentales.

Au XIIe siècle, on remplace l'église primitive par une église à l'ouvrage défensif. En effet, une salle refuge, qui servait aussi de chapelle, située à l'étage était accessible par un escalierà vis situé derrière la petite porte, à droite de l'entrée. Un passage avec le donjon était possible depuis cette salle refuge. L'église est composée de deux parties. Lorsqu'on entre dans l'église, on accède directement dans le chœur de l'église primitive, avec sa voûte en cul-de-four. Pour pouvoir construire le donjon, il a fallu couper l'église primitive et la tronquer au niveau de son transept. Le chevet a alors été éventré et l'église rallongée vers l'est pour regagner ce qu'elle avait perdu vers l'ouest. C'est ainsi que deux travées en berceau brisé ont été rajoutés au XIIIe siècle.